Autonomisation du Futur de l’Afrique : Un Entretien avec l’Honorable Ministre Nana Manwanina Kiumba

Cinq ans et onze mois avant la date interconnectée fixée pour les objectifs de développement durable en 2030, notre continent continue de faire face à de nombreux défis hétérogènes dans presque tous les secteurs, en particulier dans l’éducation et la formation. Dans cette interview, l’honorable ministre Nana Manwanina Kiumba, conseillère spéciale sur la formation des jeunes et le développement du capital humain de l’Assemblée Royale Unie de l’Afrique, partage plusieurs priorités qui méritent notre attention et notre action. Originaire de la RDC, elle est l’une des rares et des plus influentes jeunes femmes politiciennes sur le continent. Continuez à lire pour découvrir les plans de la ministre Kiumba pour relever les défis et les opportunités de l’Afrique en matière d’égalité des sexes, de participation des jeunes et de développement holistique.

Le ministre Nana Manwanina Kiumba, Conseillère spéciale sur la formation des jeunes et le développement du capital humain de l’Assemblée Royale Unie de l’Afrique.

 

En tant que ministre femme en Afrique, qu’est-ce qui vous a inspirée à poursuivre une carrière en politique, et comment s’est déroulé votre parcours pour surmonter les obstacles dans un domaine traditionnellement dominé par les hommes?

Dans des pays où la vraie démocratie est en construction comme dans la plus part des pays Africains, j’ai toujours été inspirée par le besoin d’une amélioration tant qualitative que quantitative de la participation politique des jeunes et des femmes, sans laquelle la  démocratie effective et croissante ainsi que le développement durable sont impossible. J’ai toujours admiré les efforts de certaines figures féminines (par exemple Kimpa vita en RDC, Aoua Kéita Au Mali, Honorable Nkosana Dlamini-Zuma en Afrique du Sud,  Ellen Johnson Sirleaf au Libéria et tant d’autres femmes fortes africaines) déterminantes dans les luttes politiques, économiques et sociales, femmes guerrières, souveraines intraitables, passionnées, écrivaines, chercheuses et engagées, qui ont joué un rôle majeur, voir exceptionnel, dans la vie des nations africaines. La continuité de telles actions en plus de la transmissions des valeurs traditionnelles africaines positives s’imposent.

Envahie par le souci de promouvoir la participation des femmes et des jeunes dans la gestion de la chose publique et la prise des grandes décisions dans la sphère politique, mon parcours dans un domaine traditionnellement dominé par les hommes n’a jamais été un cadeau moins encore facile. Déterminée et persévérante, active et créative, je fais face à plusieurs épreuves à surmonter, je me recycle régulièrement, j’actualise mes compétences et continu ma lutte parmi les hommes tout en respectant le rôle de chacun. 

Dans votre rôle, comment envisagez-vous de relever les défis uniques auxquels les jeunes en Afrique font face, notamment en matière d’éducation, de formation professionnelle et de développement global du capital humain?

La jeunesse Africaine, qui compte 1,4 milliard d’âmes et qui devrait plus que doubler d’ici 2050,  pour faire un quart de la population mondiale est le plus grand atout de l’Afrique. Cette situation est porteuse non seulement d’un grand potentiel, mais aussi des défis. Pour relever les défis uniques auxquels les jeunes font face en Afrique, il est inhérent de reformer le système éducatif en mettant un accent sur la qualité de la formation professionnelle avec de nouvelles innovations comme priorité. Définir des politiques qui mettent au centre l’être humain avec un regard sur le leadership traditionnel  positif censé représenter la volonté directe du peuple et servir de base à la prise de décision politique.

Il faudra donc mettre l’accent sur l’entrepreneuriat, l’intelligence économique, la recherche scientifique, l’innovation technologique, etc. Pratiquement, il faudra rédiger avant tout une politique internationale (issue des différentes politiques nationales des pays concernés) de mise en œuvre des objectifs de l’UARA et un plan d’action général précisant clairement les thématiques clées, les domaines d’activités, les problèmes identifiés dans chaque domaine, les objectifs à atteindre, les activités à mener, les résultats attendus, les indicateurs et les sources de vérification.

Nul n’ignore que l’enseignement ainsi que la formation techniques et professionnels constituent des créneaux prometteurs pour faire face, dans une large mesure, au défi des jeunes et des femmes Africains. Une augmentation substantielle et qualitative de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels  est cruciale pour maximiser les gains  de l’explosion démographique des jeunes.  De nouvelles approches doivent être développées pour surmonter les défis habituels en matière de l’offre et de la demande, les taux de rendement, l’harmonisation des rôles des secteurs privé et public, etc.). Les universités africaines quant à elles doivent assumer leur part de responsabilité dans la création des compétences techniques essentielles de l’Afrique et se recentrer sur les systèmes de connaissances endogènes par l’africanisation de leurs approches  etc.

L’inclusivité de genre est une préoccupation mondiale majeure. Comment avez-vous l’intention de promouvoir l’inclusion des femmes en politique et dans des rôles de leadership, et quelles réussites avez-vous constatés dans ce domaine au cours de votre carrière?

L’inclusion, c’est reconnaître que chaque individu est membre à part entière de la société et peut y participer de manière significative. C’est la première condition de la participation. Elle « repose sur la compréhension du fait que les individus et les groupes sont façonnés par des éléments d’identité tels que la race, le genre, la classe sociale, les capacités, la sexualité, etc. et que ces facteurs influencent l’expérience d’inclusion et d’exclusion des personnes.

Pour promouvoir l’inclusion des hommes et femmes en politique et dans des rôles de leadership, il faut: 

  • Favoriser leur accessibilité (disposer des conditions nécessaires pour réduire ou éliminer les barrières qui entravent la participation active et efficace des personnes habituellement marginalisées comme les femmes, jeunes, personnes vivant avec handicap);
  • Transformer les attitudes discriminatoires et créer un environnement d’apprentissage qui remet constamment en question les stigmatisations, les stéréotypes de genre et les préjugés envers les personnes marginalisés et offrir des opportunités en créant des conditions d’apprentissage qui rejettent le négativisme, qui renforcent l’estime de soi et qui reconnaissent et valorisent les expériences des personnes marginalisées en  contribuant à leur autonomisation; 
  • Favoriser la collaboration et la création d’expériences partagées qui sont des outils d’apprentissage importants. Il est essentiel de créer un environnement participatif et sécuritaire qui favorise les échanges et la réflexion critique tout en valorisant les expériences des participants;
  • Avoir du matériel didactique adapté et accessible devant répondre aux besoins d’apprentissages. Matérielqui doit tenircompte des barrières à la compréhension et qui vise à éliminer ces barrières pour permettre à toute personne d’accéder à l’information et de participer pleinement aux activités éducatives.

Les réussites  constatées dans ce domaine au cours de ma carrière sont en rapport avec les efforts de certains gouvernements Africains à promouvoir la participation des femmes et des jeunes ainsi que l’augmentation de l’implication des jeunes et des femmes dans le leadership et les postes de prises de décision en Afrique. Cela est probablement attribué aux efforts de plaidoyer et aux lois appelant à l’inclusion des femmes. Néanmoins, nous avons encore beaucoup  à faire avant d’atteindre cet objectif. 

Comment imaginez-vous l’avenir de la politique africaine en ce qui concerne l’égalité des sexes et la participation des jeunes, et quel rôle pensez-vous que des organisations telles que l’Assemblée Royale Unie de l’Afrique peuvent jouer dans la formation de cet avenir

Les stéréotypes sexuels constituent  un important frein à l’avènement de l’égalité des sexes car ils perpétuent une représentation convenue de la masculinité et de la féminité qui limite le potentiel des femmes et des hommes. Les stéréotypes sont profondément ancrés dans les valeurs culturelles, traditionnelles et religieuses et dans les systèmes de croyance. Ils se transmettent aux jeunes à travers de nombreux vecteurs, comme la famille, les chefs religieux, les homologues, les systèmes éducatifs et les médias. L’avenir de la politique africaine quant à l’égalité des sexes et la participation des jeunes est prometteur. 

Les Organisations telles que l’Assemblée Royale Unie de l’Afrique peuvent jouer un rôle prépondérant en: 

  • Adoptant une approche globale intégrant les familles, les écoles, les partis politiques, les organisations de jeunes, d’autres organisations de la société civile ainsi que les médias; 
  • Mettant en place des mécanismes pour lutter contre les stéréotypes sexistes, notamment organiser des campagnes de sensibilisation à grande échelle et de longue haleine et amener les jeunes à des changements sociaux et comportementaux en s’appuyant sur les médias traditionnels, les réseaux sociaux et la technologie; 
  • Organisant des campagnes en faveur de l’égalité des sexes par l’intermédiaire de différents types d’organisations, notamment les clubs sportifs, les syndicats  et les organisations de jeunes; 
  • Assurant la participation des jeunes à la vie politique et leur représentation dans les différentes instances, notamment en imposant des quotas pour les jeunes femmes et  hommes dans les parlements; 
  • Assurant la représentation des jeunes dans les instances internationales, y compris dans certains organes des Nations Unies;
  • Augmentant les fonds alloués aux initiatives de la jeunesse et aux activités en faveur de l’égalité des sexes et encourager la communauté des donateurs à investir dans l’éducation et dans l’entrepreneuriat des jeunes, y compris au moyen de partenariats public-privé; 
  • Créant des plate-formes pour la participation des jeunes à la prise de décisions tant aux niveaux local et national, régional que continental de la gouvernance ;
  • Facilitant l’accès à l’information pour permettre aux jeunes de connaître leurs droits et les opportunités qui leur sont offertes pour participer à la prise de décision et à la vie civique.
  • Diffusant une culture de l’égalité, luttant contre toutes les formes de violence, contribuant à la mixité des filières de formation qui sont les principaux leviers que l’ensemble de la communauté éducative, de l’école à l’enseignement supérieur, doit activer dans les enseignements, les activités éducatives et la vie scolaire.

Ainsi, d’autres activités comme l’appel à une prise de conscience des femmes, jeunes et les décideurs à travers des cadres d’échanges spécialisés sont indispensables.

Pouvez-vous partager avec nous les priorités clés et les initiatives que vous dirigez actuellement en tant que Conseillère spéciale sur la formation des jeunes et le développement du capital humain pour l’Assemblée Royale Unie de l’Afrique?

Mes priorités et  initiatives clés ne peuvent que porter sur ma responsabilité d’accompagner l’UARA, dans sa mission de renforcer la cohésion et l’unité au sein du  leadership traditionnel à travers l’Afrique et soutenir les aspirations de l’Agenda 2063 ainsi que les objectifs de développement durable, en promouvant la paix, la sécurité, la bonne gouvernance et la stabilité précisément, dans le domaine  de l’éducation, la formation et le développement du capital humain pour contribuer à un développement holistique. Participer à construire un continent unifié qui restaure l’identité, la dignité et les cultures de l’Afrique, en favorisant la paix, la sécurité, la croissance économique et le développement durable, etc.  

--END--

Nana Manwanina Kiumba est une politicienne originaire de la République démocratique du Congo. Elle occupe le poste de Ministre Déléguée auprès du Président de la République, Félix Tshisekedi, depuis le 12 avril 2021, dans le gouvernement Lukonde.

 

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Modester Kamupinda
Modester Kamupinda
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